Chaque année au 1er avril, c’est la même blague. Le passage entre Saint Jean Pied de Port et Roncevaux est officiellement ouvert… et la confusion générale commence!
Entre faits, opinions, météo et « pieux mensonges », les pèlerins n’y comprennent plus rien. Passage ouvert ou fermé? Ils tentent leur chance, s’engagent sur l’étape, les accidents continuent.
Après un point sur la situation, ressuscitons notre bon vieux bon sens pour savoir si oui ou non, il est sage de se lancer sur cette étape.
Cet article propose de poser la question du passage des Pyrénées autrement. Au lieu de se demander s’il est ouvert ou fermé, demandons-nous si nous pouvons passer en toute sécurité, ou pas, et agissons en conséquence.
Dans cet article:
Les faits en quelques étapes
Périodes officielles de fermeture / d’ouverture
La météo, facteur décisif… mais ignoréOuvert ou fermé? De nouveau référents: bon sens et sécurité
Les faits en quelques étapes
1️⃣ La fermeture hivernale est levée le 1er avril.
Systématiquement. Aucune extension. Le passage est libre.
2️⃣ Le passage reste libre jusqu’au 1er novembre.
Les autorités ayant compétence ne referment pas l’accès à la montagne passé le 31 mars.
CEPENDANT, en cas de mauvaises conditions, elles émettent la recommandation aux pèlerins d’éviter la montagne et de passer par Valcarlos.
3️⃣ A partir de là, 2 possibilités.
🅰️ La météo est clémente. Tout va bien, sus à la montagne, buen Camino!
🅱️ La météo est exécrable ou menaçante. C’est là que la confusion commence…
Voilà ce qui se passe dans ce second cas:
- On explique aux pèlerins qu’en raison de la météo, il est dangereux pour eux de passer par la montage. On leur recommande de passer par Valcarlos
- Les pèlerins raisonnables passent par Valcarlos. D’autres font fi de l’avertissement, passent par la montagne, se mettent en danger et trop souvent, finissent par devoir appeler les secours
- Le parti est donc pris de protéger ces pèlerins d’eux-mêmes. On annonce désormais aux pèlerins que la montagne est fermée afin de les pousser à préférer Valcarlos. Même si elle ne l’est pas.
- Efficace? NON! Aucun changement dans la réaction des pèlerins… Les raisonnables continuent de passer par Valcarlos, les autres continuent de passer par la montagne.
Mais en attendant…
#1 – un choix est fait d’infantiliser, de tromper et de faire peur plutôt que d’informer et responsabiliser
#2 – ce choix est considéré acceptable « pour le bien des pèlerins », tandis qu’énoncer les faits est vu comme une hérésie et de l’irresponsabilité!
#3 – la communauté des pèlerins ne sait plus à quel saint se vouer (pauvre Jacques!)
Périodes officielles de fermeture / d’ouverture
Posons le décor, à savoir la fermeture hivernale imposée par la Navarre. Officielle et légale, la mesure est réglée comme du papier à musique depuis 2015: aucune flexibilité, aucune exception. Les dates et détails sont publiés chaque année au journal officiel de la Navarre et consultables par n’importe qui.
Aucune confusion possible.
Fermeture / ouverture, les dates exactes
Du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante, le Chemin vers Roncevaux par la montagne est strictement interdit d’accès sur la partie espagnole. C’est une disposition légale non négociable du gouvernement de Navarre. Aucune question ne se pose, s’aventurer sur cette portion est passible de sanctions.
Consultez cette page pour les détails et informations sur la période de fermeture.
L’interdiction de passage est levée au 1er avril de chaque année. L’étape est libre d’accès dans sa totalité. De cette date et jusqu’au 31 octobre, plus aucune disposition légale ne s’applique. Les pèlerins peuvent s’engager vers Roncevaux sans s’exposer à des sanctions liées à leur présence sur l’étape.
Consultez cette page pour les détails et informations sur l’ouverture de l’étape.
Ouvert ou fermé, partis pris
Organismes officiels
A partir du 1er avril, les organismes officiels s’en tiennent strictement aux faits:
- Signaler la météo et les conditions dangereuses
- Recommander aux pèlerins de s’équiper correctement, d’être prudents et de passer par Valcarlos.
➔ Recommander et non obliger par la loi. Ni plus, ni moins.
Comme lors des tempêtes de neige de 2022 par exemple, tel qu’on peut le lire ici ou là.
Pas le choix, ils ne peuvent pas officiellement interdire quelque chose qui ne l’est pas… Cela dit, ils peuvent s’appuyer sur la communauté jacquaire pour influencer le flux des pèlerins.
Communauté jacquaire
La position des acteurs de la communauté jacquaire est de relayer des in-faux-rmations « pour le bien des pèlerins ».
- la Navarre a étendu ou repoussé la fermeture hivernale
- l’accès à la montagne est interdit
- le Chemin est fermé
Cela part d’une très bonne intention, celle de protéger les pèlerins d’eux-mêmes, malgré eux. « La fin justifie les moyens ».
Dans le cas de l’Accueil Pèlerin, c’est aussi pour protéger l’association et ses bénévoles d’un éventuel retour de bâton de la part de pèlerins irresponsables. Ceux qui prennent des risques, refusent d’assumer les conséquences d’une mauvaise expérience et qui cherchent un bouc émissaire à blâmer.
Problème, ces scénarios n’ont aucune réalité. Ce n’est pas dur à vérifier, l’ouverture du Chemin et le droit d’accès à la montagne ne sont pas secrets! Ils sont par contre très efficace pour semer le doute et la confusion chez les pèlerins.
La météo, facteur décisif… mais ignoré
L’élément au cœur du problème, la météo. A Saint Jean Pied de Port et alentours, au pied de la montagne, les hivers sont généralement doux et humides. Avec le dérèglement climatique, ils tendent à être de plus en plus ensoleillés… et même chauds! Bonjour barbecues en terrasse pour Noël ou en janvier, histoires vraies!
C’est une autre histoire en altitude. La météo est COMPLÈTEMENT DIFFÉRENTE entre Saint Jean Pied de Port et le haut de la montagne.
Les beaux jours d’hiver, oui, la météo peut être idéale pour y randonner. Même si pour rappel, c’est interdit côté espagnol: pas besoin de se poser de questions!
Inversement, la météo peut y être très rude, parfois jusqu’en mai. Froid, vent, brouillard, neige. Parfois beaucoup de neige. Parfois du soleil… mais de la neige/des congères/des névés quand même.
Et même en plein été, les orages en altitudes peuvent être violents et impardonnables
Bref, ces conditions mettent les pèlerins en danger. D’où la recommandation de préférer la variante par Valcarlos quand il fait mauvais temps.
Pourquoi les pèlerins pensent-ils donc qu’une autre réalité s’applique aux Chemins de Compostelle??
Ce n’est finalement pas compliqué. Passage sûr quand il fait beau. Passage dangereux quand il fait moche, les jours suivant parfois aussi.
Il est étrange de constater qu’apparemment, les pèlerins pensent qu’une autre logique s’applique au Chemin…
Quand j’explique à n’importe quel non-pèlerin que les pèlerins choisissent délibérément de partir marcher en montagne pendant une tempête de neige, tous sont vraiment surpris et tout le monde trouve ça complètement idiot.
Tout le monde s’accorde à dire que l’absence d’interdiction de passage ne veut pas dire qu’il est malin de passer. Sauf les pèlerins… pourquoi ça?!?
Ouvert ou fermé? De nouveau référents: bon sens et sécurité
Ouvert ou fermé? Peu importe! Il est temps de faire preuve de bon sens et de sagesse.
C’est en réalité très simple.
Étape 1️⃣
Se demander: « La météo permet-elle une étape en toute sécurité? »
Si scénario 🅰️, la météo est clémente
Tout va bien, étape 2️⃣: sus à la montagne, buen Camino!
Si scénario 🅱️, la météo est exécrable
Ou menaçante, ou il vient juste de neiger et le Chemin est recouvert d’une bonne épaisseur de neige.
Alors attention étape 2️⃣: OPTEZ POUR VALCARLOS!
Ou une autre options suggérée sur cette page.
C’est tout!
Simple.
Et bonus, personne n’a cru devoir vous prendre pour un jambon pour vous protéger de vous même.
Petit aparté avant de conclure cet article
OUI, quelques rares individus de la communauté jacquaire sont capables de faire l’étape SJPP-Roncevaux dans des conditions dégradées.
Ils se comptent sur les doigts de la main. Montagnards, alpinistes, randonneurs habitués de l’hiver par exemple.
Grâce à leur expérience, ces pèlerins sont capables d’estimer avec justesse leurs capacités à effectuer l’étape dans des conditions difficiles. Ils sont aussi capables d’assembler les informations nécessaires pour estimer correctement si tenter l’étape est raisonnable ou pas.
Si le passage est possible, le risque est moindre/modérée car ils sont équipés correctement pour effectuer l’étape sans se mettre en danger et sont plus à même de gérer les difficultés qu’ils pourraient rencontrer en Chemin.
Si le passage s’avère dangereux ou s’il y a une chance que l’étape tourne au vinaigre, ils seront souvent les 1ers à préférer Valcarlos!
A contrario, l’immense majorité des pèlerins de Compostelle est composée de randonneurs novices ou amateurs. Quant aux initiés, très peu sont habitués à randonner en hiver, encore moins en montagne.
L’absence d’expérience de ces pèlerins signifie qu’ils ne peuvent estimer ni la difficulté réelle de l’étape, ni leur (in)capacité à la réaliser dans des conditions difficiles. Ils partent aussi le plus souvent très mal équipés quand ils décident malgré tout de se lancer. Ces pèlerins se mettent en danger et quand la réalité du terrain les rattrapent, ils ont au mieux une expérience désagréable de l’étape ou au pire, finissent par devoir appeler les secours…
Conclusion: l’immense majorité des pèlerins devrait vraiment opter pour Valcarlos en cas de mauvais temps.
Et vous? Avez-vous fait l’étape vers Roncevaux autour du 1er avril? Êtes vous passés par Valcarlos ou par la montagne? Quelles étaient les conditions météo et comment s’est passé votre étape?
Les pèlerins devraient-ils changer de perspective et se demander avant tout si l’étape est dangereuse ou non? Pensez-vous que les pieux mensonges sont un mal nécessaire? Ou que ce n’est pas la solution?
Dites-nous ça avec un commentaire 🙂
